On compte aujourd’hui sept espaces de coworking au Caire, cinq espaces au Liban depuis 2010 et en Jordanie le premier espace de coworking a ouvert ses portes fin 2012 à Amman. Est-il possible de créer des espaces de coworking là où le climat économique et politique ne semble a priori pas favorable aux entrepreneurs ? Comment convaincre les entrepreneurs que le coworking est une véritable solution pouvant contribuer à changer ce même climat ? Deskmag a interviewé des espaces de coworking au Caire, à Amman et à Beyrouth pour tenter de répondre à ces questions.
Soutenir une nouvelle génération d'entrepreneurs
En Egypte, plus de la moitié de la population a moins de trente ans, et c’est cette même population ayant utilisé les médias sociaux durant la révolution qui se tourne aujourd’hui vers l’entrepreneuriat. Outre la scène digitale, il y aussi un nombre croissant de nouveaux entrepreneurs, plus soucieux de trouver des solutions que de vendre des produits et qui « pensent que certains problèmes peuvent être résolus grâce à l’entreprenariat », déclare Ulrike Von Rücker fondatrice de Rasheed22.
Si résoudre un « problème » est le propre de l'entrepreneur, les difficultés que traverse un pays peuvent aussi être vues comme autant d'opportunités d'entreprendre. Mazen Helmy, fondateur de The District, positive même sur la situation économique Egypte: « Il est vrai que l’économie égyptienne n’est pas en très bonne santé. (...) mais c’est aussi un excellent moyen de ne laisser filtrer que des entrepreneurs faisant des efforts pour être réellement innovants, les gens continuent à vivre dans le pays, mais vous ne devez plus vous attendre à ce que votre ancienne manière de faire les choses marche dorénavant. »
Entreprendre pour avoir un impact sur la société
Installé dans un ancien cinéma de Beyrouth, l’espace de coworking AltCity, s’est donné pour objectif d’avoir un impact social. La communauté d’AltCity est composée d’entrepreneurs dans le domaine de nouvelles technologies mais aussi d’étudiants, de journalistes indépendants, d’ONGs et d’activistes. « Les travailleurs du privé et du secteur non lucratif sont souvent cloisonnés. Travailler en communauté permet d’échanger des idées d’une grande diversité », explique David Munir Nabti, cofondateur de l’espace. Car AltCity ne souhaite pas à être résumé au seul aspect social, son but est bien d'avoir un impact positif sur la communauté peu importante si l'activité est marchande ou non. Pour faire coexister les différents coworkers l'espace a adopté un business model est orienté vers celui d’une « entreprise sociale » en offrant des prix variant selon si vous êtes une entreprise classique où par exemple une ONG. Ce modèle a permis d’introduire une grande diversité de coworkers dans l’espace, notamment des organisations ayant moins de moyens que d'autres.
D'autre part, on retrouve cette volonté d'impact dans les workshops proposé par Altcity. Celui-ci organise régulièrement des ateliers, que soit pour former aux nouvelles technologies ou pour discuter de problématiques locales comme par exemple les conditions des travailleurs migrants au Liban. Une population oubliée alors que Beyrouth accueille un grand nombre d'entre eux venant d’Afrique et d’Asie.
Pour l'avenir, AltCity souhaite être un modèle et travaille en collaboration avec des entreprises de conseil environnemental pour atteindre l’objectif qu’il s’est fixé: faire d’AltCity un espace de coworking avec zéro déchet.
Enfin, Le fondateur de Zee Launch Pad en Jordanie déclare aussi que le modèle de son espace n’est pas fait pour rapporter de l’argent mais plutôt pour créer et soutenir une véritable communauté de talents, une communauté de « right brainers » (c’est à dire faisant appel à leur cerveau droit), faisant référence à la théorie selon laquelle notre cerveau droit serait le lieu du processus créatif.
Sensibiliser les entrepreneurs aux valeurs du coworking
Introduire le concept de coworking et de communauté là où ils sont encore méconnus peut s’avérer être un véritable challenge. Dans les trois pays en question, les entrepreneurs ont plutôt bien accueilli ces nouveaux lieux. Les espaces interrogés ont rapporté, qu'au départ la plupart des gens ne voyaient là que des espaces travail agréables, disposant d’une bonne connexion internet et étant beaucoup moins chers que des bureaux traditionnels.
Dans les pays des espaces interviewés, où les coupures d’électricité et d’internet sont fréquentes, le coworking permet d’avoir accès à des infrastructures fiables pour se concentrer uniquement sur le travail. « S'assurer tout le temps qu’internet, l’électricité ainsi que l’eau fonctionnent correctement peut s’avérer être une perte de temps considérable pour de petites équipes », déclare David Munir Nabti cofondateur d’AltCity.
Ce ne serait qu’après un certain temps que les entrepreneurs auraient réalisé les bénéfices qu’ils pouvaient tirer de la communauté et de ses interactions. Le fondateur de Zee Launch Pad raconte avoir donné gratuitement plus de cinquante abonnements mensuels au lancement de l'espace. Même si son business model est aujourd'hui pérenne, il constate que certains coworkers payent, mais ne prennent pas toujours l’habitude de venir. Pourtant, le coworking répond à un réel besoin dans ces trois pays. « Avec tous les challenges auxquels font face les entrepreneurs égyptiens aujourd'hui, il y a un besoin indéniable de faire partie d’une communauté inspirante et optimiste. Une communauté valorisant toutes les initiatives et qui vous remplit d’énergie », déclare le fondateur de The District.